Du canal de la Rivière du Massacre à celui de Grasset
- Alexandra LINDOR

- Feb 25
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La Rivière du Massacre, appelée Rio Dajabón du côté dominicain, a marqué l’histoire haïtienne de multiples façons. Ce cours d’eau frontalier, long de 55 km entre Haïti et la République dominicaine, a été à l’origine de nombreux conflits entre les deux nations. L’un des épisodes les plus tragiques demeure celui du 2 au 4 octobre 1937, lorsque, sous les ordres du dictateur Rafael Trujillo, entre 15 000 et 20 000 Haïtiens ont été massacrés, selon l’historien Leslie François Manigat.
Un projet d’irrigation contesté
En 2018, les autorités haïtiennes ont initié un projet de construction d’un système d’irrigation destiné à utiliser les eaux de la Rivière du Massacre pour irriguer plus de 3 000 hectares de terres dans la plaine de Maribaroux. Le coût de ce projet était alors évalué à environ 50 000 gourdes. Cependant, cette initiative a immédiatement suscité des tensions avec le gouvernement dominicain, qui, en avril 2021, a envoyé des soldats du Corps spécialisé de sécurité frontalière terrestre (Cesfront) pour stopper la progression du chantier. L’interruption de ces travaux est devenue effective après l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021.
La relance du chantier et les représailles dominicaines
Le 30 août 2023, des paysans des communes de Ferrier et de Ouanaminthe ont décidé de relancer le chantier, défiant ainsi les oppositions dominicaines. En réaction, le gouvernement voisin a opté pour des mesures de rétorsion sévères, incluant la fermeture totale des frontières et la suspension des visas pour les Haïtiens, malgré un accord signé le 27 mai 2021 autorisant la construction du canal. Ce qui n’était à l’origine qu’un simple projet d’irrigation s’est progressivement transformé en un symbole national, rassemblant les Haïtiens de toutes origines autour d’une même cause et devenant une véritable source d’inspiration.
L’initiative du canal de Grasset
Inspirés par l’initiative du canal de la Rivière du Massacre, des habitants de la commune de Thorbeck, Aux Cayes, dans le sud du pays, soutenus par certaines organisations, dont "Asosyasyon Plantè pou Avansman Grasset", ont lancé en octobre 2023 le projet de construction du canal de Grasset. Ce canal d’irrigation de 3 000 mètres linéaires, reliant Lomon au Bwa Londi, permettra d’acheminer l’eau du canal de Dubreuil vers les canaux secondaires de Grasset afin d’améliorer l’irrigation des terres agricoles. Ce projet devrait avoir un impact significatif sur la production agricole, tant en termes de diversité que de quantité et de qualité des récoltes.
Un levier contre l’insécurité alimentaire
L’agronome Jean Emilson Joseph, l’un des initiateurs du mouvement, considère la construction du canal de Grasset comme un levier essentiel dans la lutte contre l’insécurité alimentaire en Haïti. L’objectif est d’irriguer environ 200 hectares de terres, offrant ainsi aux paysans de meilleures conditions pour cultiver leurs champs et garantir des rendements plus élevés.
L’importance des canaux pour l’agriculture haïtienne
Qu’ils aient un impact national ou local, les canaux sont des infrastructures essentielles pour un pays à vocation agricole comme Haïti. Ils jouent un rôle clé dans l’amélioration de la production, la sécurité alimentaire et la stabilité économique. Cependant, leur construction est souvent entravée par des difficultés financières et des défis liés à leur gestion et à leur entretien. Il est donc impératif que nos représentants tirent des leçons des erreurs passées afin d’élaborer des stratégies plus efficaces permettant de maximiser les bénéfices de ces infrastructures vitales.
Alexandra LINDOR





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