Crises mondiales : à quoi Haïti doit-elle s’attendre ?
- GenecoHaïti
- Jun 23
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Alors que les projecteurs du monde sont braqués sur les tensions géopolitiques en Ukraine, au Moyen-Orient et dans d'autres zones d’instabilité, une question cruciale demeure pour les pays à faible résilience comme Haïti : quelles conséquences immédiates, profondes et durables peut-on redouter ?
Image : The New York Times
Une économie déjà asphyxiée
Haïti n’a pas besoin de nouveaux chocs pour être déstabilisée. Pourtant, les conflits internationaux en cours génèrent des ondes de choc économiques qui se répercutent déjà, silencieusement mais concrètement, sur les foyers haïtiens. Selon la Banque mondiale et d’autres sources officielles accessibles, les importations représentent près de 25 % du PIB national, tandis que plus de 70 % du volume du commerce du pays dépend de l’étranger.
La vulnérabilité est d’autant plus préoccupante dans le domaine alimentaire. Près de 80 % du riz consommé en Haïti est importé, principalement des États-Unis. Dans un contexte d’instabilité des marchés mondiaux, chaque fluctuation, qu’elle soit logistique, diplomatique ou climatique, se transforme en une pression directe sur les prix, les stocks, et la stabilité sociale.
Une insécurité alimentaire sous pression
À cette dépendance structurelle s’ajoute un autre effet domino : le redéploiement de l’aide humanitaire mondiale. Les conflits armés en Europe de l’Est, en Afrique ou au Proche-Orient ont entraîné une réorientation des financements d’urgence vers des zones jugées prioritaires.
Pour Haïti, cela signifie un risque de contraction des dispositifs d’assistance, alors même que la faim gagne du terrain dans plusieurs départements. Les mécanismes de résilience locale, déjà fragiles, pourraient être mis à rude épreuve si aucune mesure de relèvement n’est anticipée.
La poussée silencieuse de la migration interne
Les effets indirects des conflits mondiaux ne se limitent pas à l’économie ou aux importations. En Haïti, ils peuvent contribuer aussi à redessiner les équilibres démographiques internes, à travers une accélération des mobilités forcées à l’échelle nationale.
La hausse des prix du carburant, des intrants agricoles et des produits de base, combinée à la contraction de l’aide humanitaire, fragilise les zones rurales les plus vulnérables. Incapables de subvenir à leurs besoins, de nombreux ménages quittent leurs localités pour rejoindre les centres urbains, notamment Port-au-Prince, ou d'autres zones périurbaines de plus en plus saturées.
Ces mouvements sont rarement organisés ou accompagnés, ce qui accroît la précarité dans les bidonvilles et les abris spontanés. Cela met également sous tension les services sociaux de base : santé, éducation, eau, assainissement.
Migration contrainte liée à l'insécurité
Les conflits mondiaux tendent aussi à réorienter les dispositifs internationaux de sécurité ou de coopération policière. Dans un contexte où l’État haïtien peine déjà à contenir l’expansion des groupes armés, le vide sécuritaire pousse les habitants de quartiers ciblés à fuir vers d’autres départements, parfois sans aucune garantie d’intégration.
Ces migrations internes de crise, non documentées, alimentent un cercle vicieux de vulnérabilité et d’exclusion.
Des opportunités à saisir dans la crise ?
Malgré ce tableau préoccupant, certains analystes invitent à dépasser l’angle purement alarmiste. Haïti, affirment-ils, pourrait tirer parti de cette période de recomposition géoéconomique pour revoir ses priorités stratégiques.
Face à la fragilité des chaînes d’approvisionnement globalisées, le renforcement de l’agriculture locale, le développement des énergies alternatives, et la consolidation de partenariats Sud-Sud plus équilibrés apparaissent comme des pistes viables et nécessaires.
Parmi les leviers mobilisables figure aussi la diaspora haïtienne, dont les transferts de fonds restent une ressource économique de premier ordre. Mieux structurée, cette manne pourrait devenir un vecteur d’investissement productif dans des secteurs clés comme l’agro-industrie, les TIC ou les énergies renouvelables.
Un tournant à ne pas manquer
Haïti se trouve à la croisée des chemins. Le pays ne dispose peut-être pas du poids géopolitique pour influer sur les grandes orientations du monde. Mais il n’est pas condamné à en subir passivement les conséquences.
Anticiper, s’adapter, renforcer la résilience interne: telles sont les clefs d’un repositionnement stratégique. Ce n’est qu’à cette condition que le pays pourra faire face aux turbulences mondiales sans compromettre davantage sa souveraineté économique, sociale et alimentaire.
La Rédaction
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